Tribune libre

Publié le par Jean-Christophe Roth

Quel avenir politique ?
 
Parmi les symptômes d'une société française qui serait – nous dit-on – malade, la crise de notre modèle politique peut sembler des plus préoccupante. Les Français semblent en effet irrémédiablement fâchés avec leur classe politique.
 
Certaines solutions ont fait leurs preuves dans le passé, comme le souligne Alain Durand avec la théorie de l'homme providentiel ou du subterfuge (article Un régime à bout de souffle. Mai 2006).
 
« Monarchie » présidentielle
 
Dans le jeu électoral français, tout se passe comme si seules les élections présidentielles comptaient.
Comment continuer à accepter l'idée que le pays soit dirigé par la volonté d'un seul homme qui soumet le Gouvernement et le Parlement, sans possibilité de destitution ? Cela provoque des réactions épidermiques qui peuvent être violentes (et dangereuses), comme nous le constatons depuis 2002 qui a vu une sur-représentation d'un parti unique derrière un seul homme. Ce fût le cas de la flambée des banlieues ou des errements de l'affaire Clearstream.
 
Or aujourd'hui nous constatons que l'avenir politique de la France risque encore une fois de se jouer à la faveur d'un homme plutôt que d'un programme approuvé par une base composée d'hommes de conviction Ainsi le chef de la majorité est apprécié individuellement bien qu'il présentera un programme économique et social dans la continuité du gouvernement actuel. De l'autre côté la favorite doit sa position à une incroyable sympathie populaire parfaitement médiatisée, alors même que le programme de son parti n'était pas arrêté et qui semble clair à tous qu'il sera largement amendé !
 
La politique ? : un nouveau marché
 
Il s'ensuit une approche marketing de la politique : au cours de la campagne électorale chaque candidat cherche à gagner quelques intentions de vote. Point ici de fortes convictions, uniquement une grande foire électorale où tout est bon pour obtenir ces précieuses voix. L'image de l'homme compte plus que tout et il est regrettable de constater la part croissante des médias dans les stratégies électorales.
 
 
Un exemple de cette "people-isation" de la politique :
Ségolène Royal posant dans une attitude lascive
pour un magazine étranger
Le conseiller en image a remplacé le conseiller économique, intervenant jusque dans l'image publique de leurs vies privées : M. Sarkozy, après avoir commandé (en tant que Ministre de l'Intérieur) un sondage d'opinion pour savoir si les Français verraient d'un mauvais oeil un Président de la République célibataire, convole en fausses noces dans une pirogue sous les feux des photographes conviés pour l'occasion. Il est par ailleurs question d'un faux/vrai mariage entre Mlle ( !) Royal et M. Hollande. La réponse est là encore dans les sondages d'opinion.
Des déclarations publiques ne sont plus là que pour tester l'opinion, afin de débusquer les raccourcis et d'éviter de se fourvoyer plus tard dans des impasses. Mme Royal est partie de M. Blair pour se rapprocher du discours de M. Sarkozy puis de reprendre à son compte le programme de son parti de gauche. Ce dernier, après avoir repris des termes du discours de M. le Pen, demande à présent conseil à M. Blair, se sent des sympathies pour la gauche de Jaurès ou Blum et maintenant reprend des termes du discours de sa rivale.  
Pour appuyer leur autorité, les aspirants monarques constituent une cour. Des mouvements vigoureux de soutien à l'un ou à l'autre des candidats ont entraîné (on pourrait même dire « enchaîné ») des citoyens derrière une personne, avant même que le fond ne soit abordé.
 
Système parlementaire
 
Il pourrait sembler plus opportun de croire que la gestion de l'Etat au nom de la Nation devrait appartenir à une base d'élus locaux de conviction, regroupés au sein d'un Parlement moins déconnecté des réalités.
 
Pourtant dans l'état actuel des choses, le remplacement d'un système présidentiel par un régime parlementaire vertueux, ne semble pouvoir s'opérer tant les candidats locaux sont inféodés à un chef national. Les représentants du peuple, chers aux Lumières, ne sont plus aujourd'hui que des pions obéissant aux logiques des partis et participant aux joutes politiciennes. Ils sont attachés à leurs prérogatives et « professionnalisés », freinant l'avènement de nouveaux penseurs, l'éclosion de nouvelles idées au sein des partis.
 
Un mouvement citoyen
 
Les partis dits de gouvernement sont des partis de compromis. Des idées nouvelles pour demain existent aujourd'hui sous forme embryonnaire dans des courants de pensée encore minoritaires. Il appartient à tous de les faire vivre et de se poser la question de savoir comment les intégrer plus rapidement dans les programmes électoraux majeurs ?
Peut-on être de gauche et de droite, selon les sujets de société très variés qui sont discutés au Parlement ? Peut-on être citoyen responsable sans être ni de droite ni de gauche ?
 
Les référendums populaires peuvent aussi être un bon moyen de rendre la parole au peuple, sans systématiquement mettre en porte à faux les élus locaux pris entre les attentes de leurs électeurs et la volonté de leur parti. A condition que les électeurs le souhaitent et se rendent aux urnes...
 
Je veux croire en cette possibilité d'évolution grâce à un débat citoyen ouvert, comme le reflète ce forum. Le chantier est vaste et j’en remercie les animateurs d'ouvrir leurs colonnes à des points de vue aussi variés. A chacun maintenant d'y apporter sa pierre, car rien n'est figé, rien n'est sûr, pas même le pire comme nous l'entendons trop souvent. Chacun a quelque chose à dire et doit apprendre à écouter. De la rencontre des idées peut naître une nouvelle société, plus humaine.

Publié dans Tribune libre

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article